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Desachy 2004
Desachy B. – Le sériographe EPPM : un outil informatisé de sériation graphique pour tableaux de comptages. In : Revue archéologique de Picardie, n°3-4. Céramiques domestiques et terres cuites architecturales. Actes des journées d'étude d'Amiens (2001-2002-2003) : 39-56.
Husi 2003a
Husi P. (dir.) – La céramique médiévale et moderne du Centre-Ouest de la France (11e-17e s.). Chrono-typologie de la céramique et approvisionnement de la vallée de la Loire moyenne, 20e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, FERACF, Tours, 1 cédérom, 110 p. [En ligne].
Husi 2013a
Husi P. (dir.) – La céramique du haut Moyen Âge dans le Centre-Ouest de la France : de la chrono-typologie aux aires culturelles, 49e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, ARCHEA, FERACF, Tours, 1 cédérom, 268 p. [En ligne].
Bloc 1 | La chronologie
Philippe Husi1-1 | Périodisation des sites et des ensembles
1-1-1 | Construction de la périodisation avec l’outil hclustcompro
L’importance de la fourchette chronologique, de l’espace couvert et du nombre de chercheurs qui participent au projet est à l’origine de la démarche choisie pour construire la périodisation générale des sites et des ensembles stratigraphiques qui composent le corpus (intro 3-4). La datation des ensembles est généralement fondée sur l’analyse des assemblages céramiques à partir d’un référentiel local ou régional mis en relation avec l’interprétation stratigraphique et les autres éléments de datation à disposition (monnaies, C14…). Ces datations proposées par les archéologues sont présentées sous la forme d’une fourchette chronologique avec un pas temporel fixé collectivement en quart de siècle, exprimé par les lettres "a,b,c,d". Afin de ne pas se limiter à cette unique approche qui donnerait, pour un aussi vaste espace, trop de poids à une datation individuelle et locale des ensembles, il a semblé prudent d’adopter parallèlement à cette approche traditionnelle une démarche statistique plus globale. L’originalité de l’approche statistique choisie est de construire une périodisation générale des ensembles stratigraphiques à partir d’une part des datations individuelles des ensembles, proposées par les archéologues et d’autre part de l’analyse globale des assemblages céramiques à l’échelle du BLM. C’est dans ce sens que hclustcompro a été développé (Bloc 4-3-1). Cet outil de classification permet de prendre en compte les deux sources d’information et de définir le poids de chacune d’elles sous la forme d’un taux. Ce dernier correspond au meilleur compromis entre sources de datations individuelles et analyse globale des assemblages (paramètre de mixage aussi nommé \(\alpha\) dans hclustcompro). Ce sont les classes regroupant les ensembles statistiquement proches en tenant compte des deux sources d’informations qui servent de fondement à la périodisation générale des ensembles du BLM.
Identifier les rythmes temporels à partir de la céramique impose de construire des jeux de données sur les critères typologiques les plus discriminants : les groupes techniques ou production (avec les NMI), les types de récipients (croisement forme et groupe technique avec les NTI), les formes uniquement (nombre d’individus par formes avec le NIF) ; le nombre de restes (NR) a été écarté car sujet à une trop grande variabilité liée à la fragmentation. Les résultats traduisent que 60 % (\(\alpha\)) de la composition de la matrice de distance utilisée pour la classification provient de l’analyse globale des assemblages en NMI comme en nombres de formes de récipients et 75 % en NTI. Autrement dit, le poids associé à l’analyse globale des assemblages est plus important (60 % à 75 %) que celui accordé aux datations individuelles (25 % à 40 %) sans pour autant que ces dernières soient marginales, la connaissance du contexte et des particularismes locaux étant un facteur important à prendre en compte ; il s’agit de trouver un juste équilibre entre phénomènes locaux et tendance générale (bloc 4-3).
La périodisation générale à l’échelle du BLM est construite en se référant aux trois périodisations intermédiaires résultant des classifications des ensembles obtenus avec hclustcompro, à partir des jeux de données issus des trois techniques de quantifications retenues (bloc 4-3 : Timerange NMI ; NTI ; NIF) et des datations individuelles des ensembles. La synthèse de ces résultats est résumée dans le tableau général de périodisation (TGP). Le TGP est construit comme une frise chronologique avec un pas de temps en quart de siècle (colonne 5), les lignes correspondant aux amplitudes temporelles des classes issues de hclustcompro (colonne 2 : A à n) pour chaque périodisation intermédiaire (colonne 1 : NMI ; NTI ; NIF ). Sont également présentés, les espaces historiques exclusifs ou prédominants de la classe (colonne 3) ainsi que les quatre groupes techniques ou éléments typologiques principaux, ceux qui participent grandement à la construction de la classe en question (colonne 4).
Les résultats se traduisent par une succession de périodes, les chevauchements des classes permettant de déterminer les transitions. Cette alternance de périodes/transitions est d’abord présentée par techniques de quantification, puis synthétisée pour construire la périodisation générale dans la dernière ligne du tableau. Les transitions sont marquées, pour les périodisations intermédiaires, par un chevauchement par classe (colonne 5 : traits rouges), puis pour la périodisation générale (dernière ligne en gris) par un chevauchement pour au moins deux des trois périodisations intermédiaires. Une des principales restrictions symbolisée dans le tableau par (?) est l’absence de données avant ou après la plage de temps renseignée pour certaines classes centrées sur un seul espace historique (Blésois ou Orléanais par exemple). Cela limite pour l’instant la portée des résultats en sachant que tout nouveau corpus viendra enrichir le système, donc préciser la périodisation générale.
D’un point de vue archéologique, la périodisation générale est rythmée en six périodes (Per1 à Per6) et cinq périodes de transition, reflétant les grands changements de traditions de fabrication de la vaisselle en terre cuite entre le 5e s. et le 19e s. Il existe logiquement des décalages inter-classes au sein des trois périodisations intermédiaires essentiellement lié à un effet spatial, les mêmes traditions de fabrication n’étant pas forcément concomitantes à l’échelle du BLM. Les décalages entre les trois périodisations intermédiaires, sont quant à eux liés à la nature des informations intrinsèques à la céramique. On sait, mais ici on le démontre, que le rythme des changements techniques (Périodisation intermédiaire 1) n’est pas exactement le même que celui des types de récipients (Périodisation intermédiaire 2) ou simplement des formes (Périodisation intermédiaire 3). Les changements de techniques de fabrication, de savoir-faire, d’innovation, de modes, sans oublier la concurrence entre produits sont autant de facteurs explicatifs des décalages temporels observés.
Pourtant, la convergence des résultats traduit bien un rythme général de la périodisation, assez bien un ressenti collectif, mais qui - à notre connaissance – n’a jamais été démontré comme ici à partir d’une démarche archéo-statistique fondée sur une analyse globale des données mobilisant un corpus aussi volumineux à une échelle spatiale aussi vaste. Pour le haut Moyen Âge, les vrais changements se font au milieu du 7e s. (Per1/2 : date 7c), l’héritage antique perdurant bien plus tardivement que - selon l’idée communément admise – un passage de l’Antiquité au haut Moyen Âge attribué au 5e s. Les quatre périodes de transitions postérieures, plus sensiblement en phase avec les rythmes académiques, se déclinent de la manière suivante : milieu du 10e s. (Per2/3 : date 10c) ; fin du 12e début du 13e s. (Per3/4 : date 12d) ; première moitié du 15e s. (Per4/5 : date 15 a-b), même si celle-ci est encore difficile à définir clairement ; enfin milieu du 16e s. (Per5/6 : date 16c). On remarque, surtout pour les formes, un léger changement à la fin du 8e ou au début du 9e s. (tirets rouges) qui témoigne d’un rythme décalé de certaines formes de récipients par rapport à la périodisation générale, lorsque la contrainte du groupe technique n’est plus prise en compte dans la classification. Ainsi, l’établissement d’une périodisation à partir d’une source matérielle comme la céramique participe à sa manière à la définition du rythme des changements culturels dans le temps long.
1-2 | Elaboration de la chrono-typologie de la céramique
1-2-1 | Construction de la chrono-typologie avec de l’outil sériographe EPPM
Un moyen de valider la périodisation générale passe par l’analyse de la qualité de la distribution des données selon le cycle de vie des récipients ou des productions révélant au mieux un cycle complet d’apparition de prédominance, et de disparition qui se prolonge sur plusieurs périodes. L’outil statistique nommé sériographe EPPM, pour écart positif au pourcentage moyen, est un bon moyen de résumer l’information, en évitant les comparaisons hasardeuses de pourcentages brutes qui ne tiennent pas compte du poids réel des données lorsque les effectifs des assemblages céramiques constituants le corpus sont trop inégaux (Desachy 2004). Le sériographe se présente donc comme un graphique croisant les périodes en lignes et les catégories céramiques en colonnes selon leurs caractéristiques techniques (NMI), typologiques (NTI) ou leurs formes (NIF) (Seriog NMI, NTI, NIF). En revanche, le sériographe ne permet pas de construire la périodisation sauf de manière empirique, par le jeu des essais-erreurs, d’où l’importance de l’utilisation de hclustcompro dans la phase précédente de la démarche (Bloc 4-3).
Dans le sériographe, la colonne à droite représente l’effectif par période sur l’effectif du corpus total, ce qui permet de relativiser le poids des données de chaque période par rapport à l’ensemble. La somme des lignes représente 100 % des données de la période concernée. La largeur des colonnes en gris donne le pourcentage des catégories céramiques sur l’effectif total de la période en question alors que celui en noir affiche les écarts positifs au pourcentage moyen, rapport à l’indépendance (EPPM). Autrement dit, il faut comprendre que plus la part de l’EPPM (en noir) est importante et plus la catégorie est signifiante dans la période.
Il est alors possible de réaliser une sériation automatique uniquement sur les colonnes, à partir de l’EPPM du plus ancien au plus récent. Les résultats se traduisent par trois sériographes (Seriog NMI, NTI, NIF), issus des trois techniques de quantification retenues et suivant une diagonalisation chronologique (sériation sur EPPM) des données céramiques fondée sur la périodisation générale (TGP) elle-même construite à partir des résultats des trois classifications réalisées avec hclustcompro. L’intérêt d’une telle démarche vient de son caractère systémique, l’apport de tout nouvel assemblage céramique venant préciser la périodisation (via hclustcompro puis le TGP) et le cycle de vie des céramiques impactées (Sériographes).
1-2-3 | Sériographe Nombre Typologique d'Individus (NTI)
• Sériographe Nombre Typologique d'Individus (NTI)1-2-4 | Sériographe Nombre d'Individus par Forme (NIF)
• Sériographe Nombre d'Individus par Forme (NIF)1-3 | Synthèse chrono-typologique de la céramique du BLM
L’analyse fine des trois sériographes (NMI, NTI, NIF) est fondée sur la périodisation générale qui doit se lire comme un compromis, un consensus entre les trois périodisations intermédiaires (TGP). C’est un moyen de suivre la chronologie : des groupes techniques (GT) de même tradition de fabrication (NMI) ; du nombre d’individus par formes générales (NIF) et de la typologie fine (NTI). La définition des groupes techniques (GT) doit être comprise ici comme celle des traditions de fabrication, l’étude n’étant pas réalisée par lieux mais à l’échelle du BLM. Autrement dit, deux groupes techniques de même tradition à Tours (to09b) et à Blois (bl09b), donc proches dans leur technicité et le rendu esthétique final du récipient, seront nommés ici GT09b, puisqu’ils sont majoritairement issus d’ateliers à diffusion locale encore inconnus. Les groupes techniques dont les centres de production sont identifiés sont nommément cités dans le texte (Saran, grès du Beauvais, du Domfrontais…). Pour plus d’information sur le sujet, nous renvoyons le lecteur aux publications régionales antérieures et au répertoire des groupes techniques en ligne sur le site ICERAMM (Husi 2013 : 17-18 ; ICERAMM).
La représentation du cycle de vie des poteries étant très dépendante de la qualité du corpus disponible, les résultats de l’EPPM révèlent plusieurs cas de figure illustrés ici par quelques exemples tirés du sériographe NMI qui représente les traditions de fabrication : (i) une fin de cycle avec la disparition des céramiques dès la période la plus ancienne (GT37b ou GT45c) ou inversement une apparition correspondant à un début de cycle dans la période la plus récente (GT12a ou GT21ca) ; (ii) plus rare, un cycle quasi-complet tel que défini précédemment (GT09b) ; (iii) un cycle interrompu par un hiatus ou une diminution des données révélant plusieurs cas de figure : une absence ou une faiblesse des données pour certaines périodes intermédiaires (GT17af ; GT02e), la présence de matériel redéposé ou intrusif (GT15z), un effet cyclique pour une même tradition de fabrication mais pour des périodes déconnectées révélant des productions techniquement proches issues de sites géographiquement distants (GT17c) ; (iv) la présence de céramique dans une unique période intermédiaire conséquence de la faiblesse des effectifs (GT07h), mais également de productions exogènes présentes que ponctuellement dans le temps, empêchant toute lecture cyclique dans la durée (GT02h).
Afin de faciliter la lecture, le choix a été fait de fonder le discours sur les groupes techniques et les formes (Seriog NMI et Seriog NIF) et pour plus d’informations de laisser le lecteur naviguer dans le Seriog NTI, beaucoup trop détaillé pour être commenté. Dans le même sens, et pour les seuls sériographes NMI et NIF, chaque période est illustrée par un trait horizontal de couleur respectivement les groupes techniques et les grandes formes sont reclassées pour chaque période.
Le choix également été fait d’éliminer des sériographes certains groupes techniques et formes trop insignifiants qui nuisent à la lecture générale. Dans le même ordre d’idées, certaines formes peuvent être prises en compte dans la construction du sériographe NIF mais absentes de celui des NTI, le jeu de données alors ventilé en forme/groupe technique n’atteignant alors plus l’effectif suffisant qui doit être supérieur à 5 individus pour la construction des sériographes. Pour exemple, les coupes 9a apparaissent sur le sériographe NIF, mais disparaissent de celui des NTI, l’effectif devenant insuffisant lorsqu’il est réparti en fonction des groupes techniques.
Le lecteur peut également consulter les planches chrono-typologiques de synthèses construites par espaces constitutifs du BLM et par grandes formes de récipients (Bloc 5-1). Enfin, pour un historique des recherches, il peut se reporter aux deux publications précédentes sur le sujet consacrées à la céramique du Centre ouest de la France et plus particulièrement aux données typologiques en lignes qui y sont associées (Husi dir. 2003 ; Husi 2013).
La présentation qui suit est volontairement très synthétique et fondée sur les données les mieux renseignées. Le choix a donc été fait de fonder le discours sur les tendances principales, les plus structurantes de la chrono-typologie, le détail des informations étant directement accessible à partir des sériographes et leur interface dynamique.
1-3-1 | La période 1 : début du 5e au troisième quart du 7e s. (5a-7c)
La période 1 est bien représentée par les groupes techniques (GT dans le texte aussi nommé production) réalisés en post-cuisson réductrice, de couleur noire ou grise (GT15). Ces groupes proviennent presque exclusivement de Touraine, conséquence de l’absence de sites ayant révélé des assemblages céramiques du début du haut Moyen Âge étudiables ailleurs dans le BLM. Quelques groupes techniques en pâte fine avec une surface enfumée et partiellement lissée (GT15a) ou plus grossière toujours enfumée (GT15i ; GT15q) ou sans traitement de surface (GT08p) sont les plus significatifs de cette tradition technique en post-cuisson réductrice qui perdure jusqu’au 8e s. Des groupes techniques dans une texture argileuse très grossière, tournés (GT17p) et non tournés, en post-cuisson oxydante (GT17k) ou plutôt réductrice (GT17t) complètent l’éventail des productions de la période 1 et perdurent comme les précédents jusqu’au 8e s. On peut signaler le cas particulier d’une production en pâte grossière de couleur orange avec une forte présence en période 1 puis une diminution jusqu’à la résurgence de cette tradition de fabrication en période 4 (GT17c). La cause principale du caractère cyclique est géographique avec au haut Moyen Âge la présence de cette tradition de fabrication dans tout le BLM, en glissant vers le bas Moyen Âge on assiste à un recentrage vers l’ouest, notamment l’Anjou. Certains groupes, encore mal représentés mais bien identifiés, caractérisent également cette période. C’est le cas d’une production locale grossière, non tournée, de couleur gris-brun avec une surface externe partiellement polies (GT45c), qui existait déjà au Bas Empire, ou encore des sigillées d’Argonne (GTsg04a ; GTsg04b) et des DSP (GTdsp1) dont on voit ici qu’elles peuvent perdurer jusqu’au 7e s. C’est également le cas de groupes techniques à la limite du grésage qui existent encore au début de la période 2 (GT16e et GT16f).
Les formes génériques de récipients associées à ces groupes techniques sont principalement constituées de pots sans anses et de coupes déclinés en de nombreuses variantes. Les pots les mieux représentés, de forme générale en « S », parfois sans col avec un rebord en crosse (pot 2d ; pot 2f) perdurent en période 2. Bien que moins bien représentés les pots avec un rebord en baguette (pot 2p) ou en triangle (pot 2L) caractérisent encore mieux cette période puisque – à la différence des précédents – ils semblent disparaitre au 7e s. Les coupes, correspondant à l’autre forme emblématique de la période, sont hémisphériques avec collerette (coupe 8 et variantes) ou sans collerette (coupe 14 et variantes) ou encore munies d’une carène basse (coupe 6 et variantes). Quelques formes héritées de l’antiquité, coupe en DSP (plat 11-1_Rigoir 4) ou en sigillée d’Argonne (coupe 16-2_Chenet 320) complètent ce répertoire et disparaissent dans le courant du 7e s. On note la présence encore très marginale à la fin du 7e s. de cruches avec un bec tubulaire tréflé (cruche 1c).
1-3-2 | La période 2 : fin du 7e s. au troisième quart du 10e s. (7d-10c)
La période 2 est marquée par l’apparition de nouvelles traditions de fabrication. A l’ouest du BLM, en Touraine et Haut-Poitou, les productions fines ou légèrement grossières de couleurs blanches apparaissent pour les premières à la fin du 7e s., et sont à l’interface entre la fin de la période 1 et le début de la période 2 (GT01p). D’autres productions également de couleur blanche, légèrement plus grossières (GT01f) ou orange (GT16b), parfois blanches et décorées de bandes de peintures rouges ou d’un engobe lissé de même couleur couvrant la surface externe des cruches (GT01e ; GT01n ; GT01q ; GT01r) sont fortement représentées entre le milieu du 8e et le milieu 10e s. C’est également au début du 9e s. qu’apparaissent encore timidement, les premières productions glaçurées vertes monochromes, sans ajout d’oxydes colorants, sur argiles blanches (GT11f ; GT11h ; GT11i ; GT11j). A l’est du BLM, dans le Blésois et l’Orléanais, les productions sont de couleur ocre-rouge et apparaissent au 8e s. en sachant que rares sont les contextes antérieurs étudiés pour cet espace géographique. Ces productions sont réalisées dans des textures argileuses soit sans traitement de surface plutôt grossières et provenant des ateliers de Saran pour l’Orléanais (GT08t), plus fine pour le Blésois (GT08e), soit dans les mêmes argiles mais couvertes d’un engobe lissé rouge (Blésois : GT03h ; Saran : GT16j).
Les formes les plus courantes de cette période sont – comme précédemment – les pots sans anse, munis de rebords rectangulaires (pot 2a), en gouttières (pot 2g) ou une variante à cette forme (pot 2q) qui perdure jusqu’au 11e s., en période 3. Alors qu’ils existaient déjà précédemment, les pots sans anse à lèvre plate (pot 2n) sont maintenant plus nombreux. Le véritable changement typologique par rapport à la première période vient de l’importance prise par des cruches à bec ponté, à col court (cruche 3a) parfois muni d’une collerette (cruche 3b), décorés de bandes peintes ou couvertes d’un engobe rouge (GT01n ; GT01q ; GT03h ; GT16j). Parallèlement on note la quasi-disparition des formes ouvertes qui se réduisent à quelques coupes à rebord peu marqué et glaçurée (coupe 9 ; coupe 14a), trop insignifiante pour apparaître sur le sériographe NTI lorsque sont pris en compte les groupes techniques (GT11f ; GT11i).
1-3-3 | La période 3 : fin du 10e s. à la fin du 12e s. (10d-12d)
La période 3 est toujours marquée par la forte présence de pâtes fines de couleur blanche (GT01k) parfois de très bonne qualité (GT08f), parfois légèrement micacées (GT17u) ou de couleur rose (GT01L), avec comme différence avec la période précédente la disparition de la peinture en bande ou de l’engobe. On note également la présence de pâtes plus grossières de couleur beige-orangée (GT08m, GT08h ; GT09f ; GT09e) ou rugueuses (GT06c). Les groupes techniques glaçurés sont réalisés sur pâte fine blanche ou rose, avec une glaçure monochrome de meilleure qualité que celles de la période précédente (GT02k ; GT11p). Bien qu’encore peu présente, c’est durant la période 3 qu’apparaissent les productions avec une glaçure mouchetée verte externe (GT07b). C’est dans le courant du 12e s. qu’apparaissent les productions rouges attribuées à l’atelier de Dourdan dans l’Essonne, qui perdurent jusqu’à la fin du 14e s. (GT05b). Sans y voir un unique effet de sources, la forte concentration de ces produits importés sur le seul site d’Artenay dès le 12e s. peut s’expliquer par la proximité du site avec le sud de l’Île de France alors que ces mêmes productions ont été mises au jour plus à l’ouest comme à Tours, mais seulement au 14e s. Autrement dit, la plus ou moins grande proximité entre le centre potier et les sites de consommation explique ce décalage chronologique.
La forme emblématique de cette période est le pot sans anse avec un rebord en bandeau, aussi nommé oule, généralement de taille moyenne (pot 2b) mais également de plus grande taille (pot 2c). Bien que ces pots existent encore dans la période suivante, ce sont surtout les seconds, de grande taille qui perdurent jusqu’au 14e s. On note la présence, plus particulièrement dans le Poitou, mais dans une moindre proportion par rapport aux précédents, de pots munis d’un rebord triangulaire (pot 2-27). Parallèlement aux pots et dans la continuité de la période 2, les cruches sont toujours bien représentées. Subsistent comme à la période précédente, les cruches à bec ponté, mais maintenant munies d’une collerette (cruche 3b). Cependant, les cruches à bec tubulaire encore marginales en période 2 sont dominantes du 11e au 13e s. sous différentes variantes (cruches 1a ; 1b ; 1e). On note également la présente de cruches à bec tréflé (cruche 6a). Enfin, apparaissent au 11e s. les premiers pichets, forme qui deviendra prédominante à la période suivante, jusqu’au milieu du 15e s. Aux 11e et 12e s., ces pichets sont principalement de forme allongée et généralement munis d’une glaçure mouchetée (pichet 1 et pichet 10b en GT07b). Bien que marginaux, les vases dont la forme varie un peu par rapport à la période précédente sont ici encore présents (vase réserve 6 ; pot 8c).
1-3-4 | La période 4 : début du 13e s. au milieu du 15e s. (13a-15b)
La période 4 se traduit par la présence plus marquée des groupes techniques de texture fine et de couleur orange comprenant des nodules de fer rouges (GT03e) ou de couleur ocre (GT03a), parfois glaçurés (GT04b). Les productions en pâte blanche glaçurée mouchetée déjà présente antérieurement se développent (GT07b ; GT02c), comme celles avec une glaçure monochrome (GT02h ; GT07e ; GT07f). Les productions dites pseudo-rouges puisque munies d’un engobe rouge sur pâte ocre-brune sont principalement attribuables à cette période (GT05a). Un groupe technique plus marginal en pâte fine et de couleur rouge n’existe qu’en période 4 (GT05e). On note également la forte présence des productions blanches à pâtes et parois fines qui caractérisent les ateliers de Saint-Jean-de-la-Motte dans la Sarthe (GT01j). C’est également au début du 15e s. qu’apparaissent les autres productions sarthoises de Ligron également très fines, dites « coquille d’œuf » qui perdurent à la période suivante, jusqu’à la fin du 15e s. (GT03f). Les productions dites de Dourdan dans l’Essonne déjà bien représentées en périodes 3 perdurent ici jusqu’à la fin du 14e s. (GT05b). C’est à partir du milieu du 15e s. que sont attestés les grès du Beauvaisis dans le BLM, avec un accroissement de leur utilisation dans la période suivante (GT21d). Bien qu’encore faiblement représentés, apparaissent au milieu du 15e s., les premiers grès du Domfrontais (GT19c). Enfin, une production grossière, de couleur grise mise au jour à Bourges révèle une tradition de fabrication inconnue dans le reste du BLM pour une période aussi tardive, mais fréquente par ailleurs, au sud-est, en Auvergne et plus généralement dans le massif central (REF Bourges Avaricum).
Le pichet, qui se décline en de multiples variantes, est la forme prédominante entre le 13e et le 15e s. Comme en période 3, les mieux représentés sont de forme allongée (pichets 1a ; 1b) couvert d’une glaçure mouchetée (GT07b), mais également plus pansus avec un long col annelé (pichets 8 ; 8a), ou encore avec un bec pincé (pichets 3 ; 3b). C’est au 14e s. que les pichets à pâte et parois fines (GT01j) des ateliers de Saint-Jean-de-la-Motte (Sarthe) sont omniprésents surtout dans la partie ouest du BLM (pichets 2 ; 2a). C’est également à la fin du 13 ou au début du 14e s. qu’apparaissent les premiers pots avec une anse aussi nommés coquemars avec : une lèvre en bandeau héritée des pots sans anses de la période précédente (pot 4a), un rebord droit (pot 12 ; 12b), un rebord sans col avec une petite gorge interne (pot 11a). On note toujours et de manière récurrente dans différentes périodes la présence de vases à réserves (vase réserve 3) ou de grands pots de stockage qui perdurent jusqu’à la fin de la période moderne (pot 8a). Des formes plus particulières font également leur apparition à cette époque comme les tasses ici polylobées (tasse 3), les gobelets « coquille d’œuf » (GT03f) des ateliers de Ligron (gobelets 3) et les lèchefrites partiellement glaçurés. Certaines formes qui avaient disparu depuis le haut Moyen Âge réapparaissent comme les coupes (coupes 2) ou les mortiers (mortiers 2 ; 3 ; 4) mais uniquement en Anjou, ou plus généralement les premières coupes du Beauvais (coupe 1 / GT21d). Enfin, les premiers pots en grès du Domfrontais (GT19c) servant de contenant pour le beurre apparaissent dans le BLM à partir du milieu du 15e s. (pot 1a).
1-3-5 | La période 5 : milieu du 15e s. au troisième quart du 16s. (15b-16c)
La période 5 se traduit par la forte présence des productions plutôt grossières sans traitement de surface de couleur beige à orange (GT08b ; GT09b). Cette période est également celle où prédominent les productions glaçurées monochromes généralement vertes sur matrice argileuse fine et blanche qui perdurent parfois jusqu’au 17e s. (GT02f ; GT07c) ou fine orange avec un décor de barbotine (GT04d), ou encore plus grossières blanches (GT11d) ou orange (GT11a). Bien que moins prégnants, on recense également des groupes techniques réalisés dans une argile fine de couleur rouge (GT05c), beige ou orange avec des nodules de fer rouges parfois pour ces derniers légèrement grésés orange foncé sur la face externe (GT01c ; GT03c) ; enfin des groupes plus grossiers et orange (GT03g). La présence de produits importés issus d’ateliers hors du BLM s’accentue durant cette période : les productions sarthoises des ateliers de Ligron déjà observées au début du 15e s. (période 4) perdurent ici jusqu’à la fin du 15e s. (GT03f) ; l’usage des grès du Beauvais évoqué pour la période précédente ne fait qu’augmenter jusqu’à la fin du 16e s. (GT21d) ; les productions grossières dites « rose-bleu » des ateliers lavallois (GT10a) apparaissent au milieu du 15e s et perdure dans une moindre mesure jusqu’au 17e s. (période 6) ; enfin les grès normands des ateliers du Domfrontais encore marginaux précédemment et dont l’utilisation s’intensifie du milieu du 15e au 17e s. voire 18e s., les données restant faibles pour la période contemporaine.
La forme emblématique de cette période est le pot à une anse se terminant par un col cintré et un rebord avec une petite gorge sommitale (pot 13 ; 13a) souvent non glaçuré (GT08b ; GT09b). D’autres pots de même forme générale, mais munis d’un col évasé (pot 10a) ou d’un col droit qui se confond avec la lèvre (pots 12a) complètent ce répertoire des pots. Déjà présent à la période précédente, les pots en grès du Domfrontais servant au transport du beurre perdurent jusqu’à la fin du 16e s. (pot 1a / GT19c). Les pichets avec un col annelé sont toujours présents mais leur forme générale est plus globulaire avec souvent un décor floral sur l’avant de la panse réalisé à la barbotine sous glaçure (pichet 8b / GT04d) ; on note également l’apparition de pichets glaçurés de forme générale en « S » qui perdurent à la période suivante mais en grès (pichet 10a). D’autres formes déjà présentes dans la première moitié du 15e s. viennent compléter ce répertoire, comme les gobelets à parois fine de l’atelier de Ligron (gobelet 3 / GT03f) ou les coupes en grès du Beauvaisis (coupe 1 / GT21d). On note également l’apparition de formes nouvelles comme les marmites glaçurées à deux anses et pieds tripodes (pot 11-5_Marmite 2), les grands plats à deux anses sans glaçure (plat 3) ou encore les couvercles plats à tenon circulaire centré (couvercle 1).
1-3-6 | La période 6 : fin du 16e s. au 18e s., début du 19e s. (16d-19a ?)
La période 6 est encore mal documentée comme le montre la dernière colonne du sériographe (poids des données). On remarque tout de même que certains groupes techniques dominent cette période, essentiellement représentée par les grès (GT19a ; GT19c ; GT21b), dont l’origine est attestée pour ceux de la Puisaye (GT21c ; GT21ca) ou du Domfrontais (GT19c). On note également l’importance des productions avec une épaisse glaçure verte monochrome, réalisées dans des pâtes fines blanches (GT02b) ou orange (GT04a) comprenant de nombreux oxydes de fer, mais également une production munie d’une glaçure polychrome sur une argile fine et blanche (GT02i). C’est durant cette période qu’apparaissent les faïences (GT12a ; GT12b ; GT12i).
Les formes prédominantes sont des pots glaçurés ou en grès de la Puisaye, sans col munis d’une gorge à profil concave, avec un bec pincé ou parfois des pieds tripodes (pots 11 ; 11b ; 11c / GT04a ou GT21c). Les pots en grès sont bien représentés à la fin du 17e et certainement plus tardivement jusqu’au 19e s. ; il est encore difficile d’attester cette datation tardive par manque de contextes stratifiés pour l’époque contemporaine. D’autres pots déjà présents à la période précédente complète l’éventail typologique. Il s’agit des pots avec un col cintré, un rebord à gorge sommitale, mais ici de plus grande taille que précédemment (pot 13b / GT09b), des pots à lèvre plate des ateliers lavallois contenant à beurre déjà présent dans le BLM à partir du milieu du 15e s. et qui ne font que croître jusqu’à la fin du 16e - début du 17e s. (pot 6a / GT10a). Les pichets de forme générale en « S » (pichet 10a) déjà présents en terre cuite glaçurée à la période précédente perdurent jusqu’au 17e s. Bien qu’attesté à la fin du 17e s. et au début du 18e s., les pichets en grès de forme cylindrique avec un petit bec pincé restent trop marginaux pour apparaître sur le sériographe NTI (pichet 5a / GT21c). Les cruches, en terre cuite glaçurée, munies d’un bec tubulaire sur l’épaulement de la panse et d’une anse en panier sont datables du 16e et du début du 17e s., à cheval entre les périodes 5 et 6 (cruche 2a). Enfin, des formes ouvertes déjà attestées au 16e s., ne font que croître jusqu’au 18e s. avec notamment les plats (ou jattes) tronconiques sans anse, avec marli développé, munis d’une glaçure verte ou polychrome interne (plats 2a ; 2b / GT02b ou GT02i) ; les réchauds avec trois tenons sommitaux (réchaud 1b) ; les albarellos glaçurés et des faisselles en grès.