|EN

Husi 2003a
Husi P. (dir.) – La céramique médiévale et moderne du Centre-Ouest de la France (11e-17e s.). Chrono-typologie de la céramique et approvisionnement de la vallée de la Loire moyenne, 20e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, FERACF, Tours, 1 cédérom, 110 p. [En ligne].

Husi 2013a
Husi P. (dir.) – La céramique du haut Moyen Âge dans le Centre-Ouest de la France : de la chrono-typologie aux aires culturelles, 49e supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, ARCHEA, FERACF, Tours, 1 cédérom, 268 p. [En ligne].

Gardin 1979
Gardin J.-C. – Une archéologie théorique, Hachette, Paris, 339 p. (Hachette Littérature. L’esprit critique).

Gardin 1987
Gardin J.-C. – Systèmes experts et publications savantes, Cinquième conférence annuelle de la British Library sur la recherche, 1986, The British Library (édition bilingue).

Zadora-Rio et Galinié (dir.) 2020
Zadora-Rio É. et Galinié H. avec la collaboration de Husi P., Motteau J., Rodier X., Sénégas M.-L., Theureau Ch. et al. – L’église de Rigny et ses abords. De la colonia de Saint-Martin de Tours au transfert du centre paroissial (600-1865) [En ligne].

Bellanger et Husi 2012
Bellanger L. et Husi P. – Statistical Tool for Dating and interpreting archaeological contexts using pottery, Journal of Archaeology Science, 39(4) : 777-790.

Bellanger, Husi et Laghzali 2015
Bellanger L., Husi P. et Laghzali Y. – Spatial statistic analysis of dating using pottery: an aid to the characterization of cultural areas in West Central France, in : Traviglia A. (ed.), Across Space and Time, Proceedings of the 41th International Conference on Computer Applications and Quantitative Methods in Archaeology (CAA-2013), Perth (Australie), Amsterdam University Press : 276-282.

Bellanger, Husi et Tomassone 2006
Bellanger L., Husi P. et Tomassone R. – Statistical aspects of pottery quantification for dating some archaeological contexts, Archaeometry, 48 : 169-183.

Bellanger, Tomassone et Husi 2008
Bellanger L., Tomassone R. et Husi P. – A statistical approach for dating archaeological contexts, Journal of Data Science, 6(2).

Bellanger et Tomassone 2014
Bellanger L. et Tomassone R. – Exploration de données et Méthodes statistiques : data analysis & data mining avec R, Ellipses, Paris (Collection Références Sciences).

Saporta 2011
Saporta G. – Probabilités, analyse des données et Statistique, Éditions Technip, Paris.

Introduction

Philippe Husi

1 | Objectifs et historique de la recherche

La recherche de longue haleine (1996-2018) réalisée dans le cadre du projet collectif de recherche sur la céramique du Bassin de la Loire Moyenne (BLM dans la suite du texte) du 6e au 17e s. en fait l’un des premiers projets à l’échelle nationale à avoir abordé la question de la chrono-typologie et plus généralement de l’étude de la céramique médiévale et moderne de manière collective et systémique. Autrement dit, le choix fait dès l’origine a été de mobiliser un important corpus céramique à partir d’ensembles chrono-stratigraphiques fiables et suivant une méthodologie commune. Cette approche a permis la création d’outils typologiques structurés, hiérarchisés, évolutifs et dynamiques à l’origine du réseau ICERAMM piloté par le Laboratoire Archéologie et Territoires (CITERES-LAT). Cet outil, qui est devenu un instrument incontournable de la recherche, émane donc en grande partie de cette longue et fructueuse tradition de recherche menée dans le BLM. Cette approche a également permis la mise en place d’un protocole d’enregistrement et de traitement des données dans la base ArSol (Archives du Sol) du même laboratoire. Elle a également permis d’ouvrir un nouveau champ d’investigation dans le cadre d’une collaboration de longue date entre archéologues du laboratoire CITERES-LAT et statisticiens du Laboratoire de Mathématiques Jean Leray (UMR 6629, CNRS/Université de Nantes) pour le développement de méthodes d’analyses archéo-statistiques adaptées aux données mobilières volumineuses (Intro 3-4 ; Bloc 4).

Outre les aspects liés à la périodisation de sites et à la chrono-typologie de la céramique à l’échelle du BLM, la mise en place d’une chaine opératoire complète d’étude de la céramique, du tesson à la publication, a pour but de répondre - autant que faire se peut - aux questions historiques relatives aux pratiques économiques, sociales et culturelles dans la longue durée. Les deux premiers ouvrages ont permis de préciser les faciès céramiques composant ce vaste espace d’étude, d’appréhender les réseaux d’échanges, d’identifier les aires culturelles et les rythmes de leurs transformations, de mieux comprendre le rôle joué par la Loire comme axe de communication majeur du BLM (Husi dir. 2003 ; Husi 2013 : 221-252).

Cette troisième publication a comme objectif de revenir sur ces questions à l’aune d’un important corpus complémentaire comblant au mieux les hiatus chronologiques et les lacunes du maillage géographique. Elle a également pour vocation d’aborder d’autres questions en tentant d’évaluer la réalité des périodes dites de transitions souvent mal documentées, de juger de la pertinence de la céramique comme marqueur social des sites, de mieux comprendre la fonction des récipients à partir d’études ciblées comme celle de la céramique chamottée au haut Moyen Âge.

Le cadre géographique retenu ici dans son périmètre le plus strict, est centré sur le BLM c’est-à-dire la vallée de la Loire et ses principaux affluents (Fig. 1). Bien que constitués de corpus de données inégaux, les espaces historiques renseignés composant le BLM, Touraine, Blésois, Orléanais, Haut Poitou, marginalement Berry et Anjou, ont comme point commun d’être tous en relation directe ou indirecte avec le fleuve ; quelques sites aux marches du BLM viennent compléter l’espace d’étude (Intro 3-4). Le cadre chronologique s’inscrivant dans le temps long, du 6e au 17e s., permet d’observer les continuités et les ruptures temporelles, comme les changements socio-économiques et culturels.

L’enjeu de cette publication est donc de mobiliser l’ensemble du corpus céramique collecté depuis 1996, comprenant celui deux publications précédentes, complété par les données acquises dans le cadre du projet entre 2013 et 2018 en réinterrogeant le tout sous un angle nouveau, avec la rigueur d’une démarche logiciste.

Fig. 1 - Carte des communes localisant les sites étudiés.

2 | Choix d'une publication au format logiciste

Les deux précédentes publications issues de ce projet comportaient déjà un volet numérique dédié aux preuves typologiques et aux corpus de données primaires. Bien que ce choix éditorial en partie numérique était alors original, la construction du raisonnement restait traditionnelle avec un ouvrage imprimé comportant les notices de sites et les textes de synthèses en interaction avec les arguments typologiques et les données accessibles sur un site internet (Husi dir. 2003et 2013).

L’originalité de la présente publication vient du choix d’une édition, certes entièrement numérique, mais surtout fondée sur la démarche logiciste développée par Jean Claude Gardin dès les années 70 (Gardin 1979 ; 1987). Le modèle logiciste a principalement été utilisé dans le domaine de l’archéologie des techniques qui est à l’origine de la revue Arkeoteck. Bien qu’ici centrés sur la céramique, les thèmes traités dans la présente publication n’abordent pas cette source matérielle sous l’angle de l’archéologie des techniques, mais plutôt des pratiques culturelles liées à la consommation d’un produit domestique courant.

Récemment, la démarche logiciste a été mise en œuvre dans le cadre de la publication du site de l’Eglise de Rigny et de ses abords (Zadora-Rio, Galinié dir. 2020). Elle est à l’origine et a largement orienté le choix du format de la présente publication. L’organisation des blocs qui structurent la publication est liée aux développements en XML-TEI réalisés par le Pôle du Document Numérique (PDN) de la MRSH à l’Université de Caen (Remerciements). L’objectif de cette recherche méthodologique est de créer une interface de publication au format logiciste utilisable par le plus grand nombre, à l’origine d’une collaboration entre la MRSH de Caen et le Laboratoire CITERES-LAT pour la publication du site de Rigny, qui se poursuit ici avec celle sur la céramique. Pour une meilleure appréhension de la démarche logiciste, nous renvoyons le lecteur à l’introduction d’Elisabeth Zadora-Rio dans la publication susnommée (Zadora-Rio, Galinié 2020 : Accueil).

Le choix de longue date pour l’étude de la céramique du BLM, d’une démarche de recherche structurée, évolutive et dynamique aussi bien dans l’élaboration des outils typologiques que des méthodes d’analyse des données a permis d’opter ici pour un format logiciste de publication. On ose espérer que cette approche systémique de constitution et d’analyse d’un corpus de données céramiques volumineux, qui ne cesse de croître, permettra d’envisager à moyen terme dixit Elisabeth Zadora-Rio « de tester le degré de généralité des opérations d’inférence, et surtout de préciser leurs conditions d’application en les soumettant à l’épreuve de nouveaux jeux de données » (Zadora-Rio, Galinié 2020 : Introduction).

3 | Architecture de la publication

Cette présentation introductive s’inspire de la publication de l’église de Rigny et ses abords, à laquelle nous renvoyons pour compléter un propos qui est donc ici volontairement succinct (Zadora-Rio, Galinié 2020 : Introduction).

Ici, la construction chronologique (Intro 3-1 ; Intro 3-4) a été considérée comme une base préalable, fondée sur une démarche intellectuelle propre, en amont de l’analyse logiciste proprement dite. En effet, la chronologie proposée n’est pas construite sur une simple observation primaire et statique pouvant prendre la forme d’inférences à plusieurs niveaux, mais sur une démarche archéo-statistique avec un retour sur les données aboutissant à une amélioration du modèle. Ce processus dynamique, en adéquation avec le formalisme logiciste intégrant la modification et l’amélioration du modèle, n’a cependant pas trouvé sa place dans la structure arborescente des inférences gardiniennes (Intro 3-2 ; Intro 3-3).

3-1 | Bloc 1 – La chronologie

Périodisation et chrono-typologie de la céramique

Le bloc 1 est consacré au temps à partir d’une démarche en grande partie fondée sur une méthodologie et des outils statistiques (Bloc 1 : Chronologie ; Intro 3-4 ; Bloc 4). En premier lieu, il présente la démarche choisie pour l’élaboration d’une périodisation générale des ensembles stratigraphiques réalisée à partir des assemblages céramiques. Cette périodisation à l’échelle du BLM, construite sur d’une démarche archéo-statistique (bloc 4-Schéma-Fig. 1 ; Bloc 4-3), est résumée dans le Tableau Général de Périodisation (TGP). S’en suit une rapide synthèse de la chrono-typologie de la céramique une fois encore à l’échelle du BLM fondée sur les résultats de la périodisation. Le choix a ici été fait d’une présentation en six périodes qui rythment les principaux changements de faciès céramiques et de renvoyer le lecteur désireux d’une information plus détaillée aux sériographes (Bloc 1-2), aux planches typologiques (Intro 3-5 ; Bloc 5) aux notices de sites et d’assemblages céramiques (Notices).

3-2 | Bloc 2 – Les diagrammes logicistes

Les diagrammes subdivisés en deux sections (Bloc 2), représentent graphiquement les chaînes d’inférence entre les propositions logicistes (Bloc 3). La section 1 appréhende les questions économiques sociales et culturelles notamment liées aux traditions de fabrication, aux flux et aux échanges de récipients au sein et à l’extérieur du BLM. Elle est fortement diachronique et largement structurée par le temps long et l’espace. La section 2, tente d’évaluer la pertinence de la céramique, source essentielle de la culture matérielle, comme indicateur fonctionnel des sites et social des habitants.

L’ordre de lecture d’un diagramme logiciste est fondé sur des opérations logiques, dites d’inférence : (i) de gauche à droite sur un raisonnement empirico-inductif, d’inférence par généralisation des observations, (ii) de droite à gauche sur un raisonnement hypothético-déductif, d’inférence déduite des prémisses. Les propositions {P0} représentent la totalité des données mobilisées et font l’objet, pour une majorité d’entre elles à partir de jeux de données sélectionnés, d’analyses archéo-statistiques dont les méthodes sont décrites dans le Bloc 4. Les propositions des niveaux suivants {P1 à Pn} n’introduisent pas de données nouvelles, mais représentent des opérations d’inférence fondées sur la combinaison des propositions de rang inférieur. Les diagrammes sont interactifs et permettent (i) de visualiser en surbrillance dans le diagramme les propositions en relation avec les niveaux antérieurs, (ii) en cliquant sur l’une d’elles, de revenir sur les textes des propositions antécédentes qui fondent le raisonnement (Bloc 3).

3-3 | Bloc 3 – Les propositions logicistes

Ce Bloc 3 des propositions logicistes s’articule avec le Bloc 2 des diagrammes. Il est construit sous forme : (i) d'un texte très synthétique des résultats historiques introduisant les propositions successives comprenant des commentaires courts issus des données d’observations, primaires, souvent analysées statistiquement (Bloc 4), (ii) de données de comparaisons issues d’études antérieures ou semblables ; (iii) de références correspondant à des savoirs établis (Zadora-Rio, Galinié 2020 : Introduction : §. Les spécificités de la démarche cognitive de l’archéologie de terrain). Ce bloc se subdivise en deux colonnes, la colonne centrale avec le déroulé des propositions et l’ensemble de l’information, la colonne de gauche avec un sommaire détaillé et hiérarchisé pour naviguer dans les propositions.

Le cadre chronologique étant un préalable indispensable à tout discours historique, cela implique qu’il soit fixé dès le niveau initial des propositions {P0}. En revanche, toutes les propositions {P0} ne traitent pas obligatoirement de la question du temps. Si c’est le cas, la fourchette chronologique proposée se réfère toujours à l’une des trois périodisations intermédiaires construites à partir des jeux de données céramiques NMI, NTI et NIF, le choix de l’une d’entre-elles découlant de la nature de la question (Intro 3-4 ; bloc 4-Schéma-Fig .1). Ces périodisations intermédiaires, à l’origine de la périodisation générale (Bloc 1-1 ; TGP) reposent sur trois classifications (dendrogrammes) réalisées avec l’outil statistique hclustcompro (Bloc 4-3) ; elles sont illustrées sur les graphiques d’étendues temporelles (Timerange) (Timerange NMI, NTI, NIF).

L’intégration de la chronologie aux données propres à chaque proposition {P0} passe par le calcul d’une courbe de distribution de densité. Cette dernière est définie comme la part, pour chaque ensemble stratigraphique, des données céramiques mobilisées pour répondre à la proposition. Cette courbe est ajustée sur un des trois Timerange de référence, choisis en fonction de la technique de quantification adaptée à la construire du sous-jeu de données utile à la proposition (exemple Section 1 : P0-1 : Timerange avec courbe distribution). Cette courbe permet également de mettre en évidence les contrastes dans cette distribution, qu’ils soient bien sûr temporels mais également géographiques, puisque certaines classes à l’origine de la construction de la périodisation sont fortement corrélées à un espace géographique constitutif du BLM (Touraine, Blésois, Orléanais, Haut- Poitou…). Afin de mieux visualiser les données interrogées, un histogramme représente la répartition par classe de la variable mobilisée, donc sur l’ensemble de la plage temporelle couverte ici à l’échelle du BLM (exemple Section 1 : P0-1 : histogramme).

Lorsque les propositions {P0} abordent des questions spatiales, les traitements statistiques sont alors réalisés avec l’outil statistique mapclust (Bloc 4-4). Cette méthode est applicable aux propositions : (i) de niveau {P0} impliquant un seul critère comme par exemple la répartition spatiale des céramiques de couleur blanc-beige dans le BLM (Bloc 3 Section 1 : P0_20), ((ii) de niveau {P1} impliquant plusieurs critères, comme par exemple la répartition spatiale des céramiques de couleur blanc-beige et ocre-rouge dans le BLM (Bloc 3 Section 1 : P2_1 (I)). Alors que l’analyse spatiale à partir d’un seul critère met en lumière une tradition de fabrication ou une fonction particulière d’une production ou d’un type de récipients, une approche croisant plusieurs critères permet de distinguer des phénomènes plus généraux de mode ou de concurrence entre produits, de représentation d’aires socio-économiques ou culturelles constitutives du BLM.

3-4 | Bloc 4 – Les méthodes archéo-statistiques

L’élaboration de méthodes archéo-statistiques est indispensable à l’analyse de corpus de données mobilières aussi important que celui mobilisé dans le cadre de cette publication. C’est pourquoi, parallèlement à ce projet, une recherche interdisciplinaire est menée depuis de nombreuses années par des archéologues et des statisticiens (Intro 1) dont les résultats ont déjà fait l’objet de nombreux articles dans des revues internationales (Bellanger et Husi 2012 ; Bellanger et al. 2015 ; Bellanger et al. 2006, Bellanger et al. 2008). Cette collaboration se poursuit également depuis 2017 dans le cadre du projet ANR ModAThom pour « modèle explicatif de la fabrique urbaine d’Angkor Thom » au Cambodge (Bellanger et al. 2020).

D’une manière générale, les analyses statistiques mettent en œuvre des méthodes d’analyse factorielle mais aussi de classification non supervisée avec contraintes telles que les outils hclustcompro (Bloc 4-3) et mapclust (Bloc 4-4) qui ont été utilisés d’une part pour la construction de la périodisation générale du BLM (Bloc 1-1) et d’autre part pour l’analyse des propositions logicistes (Bloc 2 et Bloc 3). Tous ces outils statistiques sont implémentés dans le package R SPARTAAS (Statistical PAttern Recognition and daTing using Archaeological Artefacts assemblageS), dédié au traitement statistique des données archéologiques mobilières.

Ce Bloc 4 se décline en trois parties principales.

La première partie (Bloc 4-2) concerne le prétraitement des données, étape indispensable de nettoyage des données par suppression des ensembles stratigraphiques et des catégories céramiques dont l’effectif est trop faible pour être pris en compte dans l’analyse statistique. Dans le même ordre d’idées, cette étape consiste également à identifier des données aberrantes (outliers) susceptibles de perturber l’analyse. Bien que supprimées ici des analyses statistiques, ces données peuvent être par ailleurs mobilisées ponctuellement dans une proposition ne faisant pas appel à un traitement statistique.

La deuxième partie (Bloc 4-3) présente la méthode statistique hclustcompro et son application aux données pour la construction de la périodisation générale des sites et des ensembles stratigraphiques à l’échelle du BLM (Bloc 1-1). Dans le cas présent, nous disposons de deux sources d’information : (i) les tables de comptage des différentes catégories-groupes techniques et/ou formes de céramiques pour les différents ensembles, (ii) les datations individuelles de ces ensembles basées sur la connaissance du contexte local. Trois jeux de données issus de trois techniques de quantification ont été utilisés (NMI, NTI, NIF). Les objectifs sont : (i) de mettre en évidence les relations temporelles entre les ensembles en tenant compte des deux sources d’information, (ii) d’étudier leur répartition spatiale, (iii) de comparer les résultats obtenus à l’aide des trois techniques de quantification retenues. Devant la masse de données disponibles, le choix a été fait d’utiliser l’analyse de données (Bellanger et Tomassone 2014 ; Saporta 2011) pour synthétiser l’information (méthodes factorielles) et créer des groupes (classification non supervisée). Après un nettoyage des données, l’intégralité des assemblages céramiques et des datations individuelles sont traitées à l’aide de l’algorithme de classification sous contrainte (Bellanger, et al. 2020) développer initialement spécifiquement pour répondre aux questions temporelles en archéologique : hclustcompro. Les partitions obtenues servent à définir la périodisation des ensembles stratigraphiques à partir des assemblages céramiques pour le BLM.

La troisième partie (Bloc 4-4) présente une méthode statistique de classification, mapclust, pour répondre aux propositions logicistes (Bloc 2 et Bloc 3). Comme expliqué précédemment pour les diagrammes (Intro 3-2), le modèle logiciste repose sur les relations inférentielles, opérations logiques empirico-inductives ou hypothético-déductives qui structurent les différents niveaux de propositions. Les propositions initiales {P0} mobilisent la totalité des données avec comme objectif de répondre pour chacune d’elles à une question précise à partir d’un sous-jeu de données ciblé. C’est un prérequis à la démarche logiciste pour les propositions initiales. Les propositions de niveaux supérieurs {P1 à Pn} n’introduisent donc pas de nouvelles données, mais peuvent faire l’objet en {P1} d’analyses du même type à partir des résultats acquis en {P0}. Dans cette publication, les résultats des propositions {P0} et {P1}, sont essentiellement fondées sur des analyses statistiques des données archéologiques.

3-5 | Bloc 5 – Les planches chrono-typologiques et les répertoires typologiques

Les planches chrono-typologiques sont construites par grands espaces historiques constitutifs du BLM (Bloc 5). Elles sont normalisées et organisées en fonction des grandes formes de récipients et suivant une frise chronologique par siècle. Deux entrées, formes et lieux, permettent de naviguer dans les planches. Chaque dessin nous renseigne sur la forme et le (les) groupes techniques qui lui sont associés. Ces informations se réfèrent aux répertoires typologiques du Centre-Ouest de la France accessibles en ligne sur le site ICERAMM. Ces planches servent d’illustrations complémentaires à l’analyse chrono-typologique présentée dans la dernière partie de la chronologie (Bloc 1-3) et elles complètent les trois sériographes périodisés issus de l’analyse des données (Bloc 1-2).

L’importance du corpus mobilisé est à l’origine de l’élaboration d’outils adaptés à l’analyse de données volumineuses. Cela passe par la construction de référentiels typologiques régionaux - formes, groupes techniques (aussi nommés productions) et décors - normalisés et hiérarchisés, système largement adopté par la communauté des céramologues médiévistes et modernistes du réseau européen ICERAMM. Ces outils régionaux et dans le cas présent ceux du Centre-Ouest de la France sont consultables sur le site internet ICERAMM construit comme une base de données en ligne (Répertoire du centre ouest de la France). Nous avons fait le choix de donner accès pour la présente publication à une version pdf des répertoires du BLM représentant un état figé à un moment T des outils typologiques (Bloc 5), par ailleurs complétés au fur et à mesure des nouvelles découvertes et de manière dynamique sur le site ICERAMM. En effet, chaque nouvelle forme, groupe technique ou décor enregistré dans la base de données ICERAMM vient enrichir un système également adopté par les autres régions de l’Europe francophone qui constituent le périmètre du réseau.

3-6 | Bloc 6 – Les données

Ce bloc (Bloc 6) présente les données. Les données céramiques sont majoritairement, mais pas uniquement, issues des territoires historiques du bassin versant de la Loire moyenne (BLM). Le corpus primaire est donc principalement centré sur des sites localisés en Touraine, Blésois, Orléanais, Haut Poitou, secondairement en Anjou et Berry. Une autre partie du corpus, mobilisée plus ponctuellement dans la démarche générale, comprend quelques sites aux marches du BLM avec à l’ouest celui de Breuil la Chaussée en Vendée, au nord-ouest ceux de Jublains ou Sainte Suzanne en Mayenne, d’Asnières-sur-Vègre en Sarthe, et au nord-est celui de Chartres en Eure-et-Loire ; ces quelques sites permettent de comparer des faciès céramiques potentiellement exogènes à ceux du BLM et donc d’aider à circonscrire - si elle existe - la réalité d’une entité de la Loire moyenne.

L’intégralité du corpus se répartit en 56 communes (Fig. 1), 89 sites, 336 ensembles stratigraphiques correspondant à autant d’assemblages céramiques constitutifs de notices de sites (Notices). Le terme d’ensemble stratigraphique se définit soit comme une entité chrono-fonctionnelle regroupant des contextes de même nature et de même période, soit comme une phase dans le cas de certains sites ruraux peu stratifiés et fonctionnellement difficilement interprétables.

Les ensembles stratigraphiques ont été sélectionnés à un double titre : (i) pour leur qualité chrono-stratigraphique se résumant autant que faire se peut, aux niveaux d’occupation et aux ensembles clos, (ii) pour la qualité des assemblages céramiques qui les composent. La relation entre ensembles stratigraphiques et assemblages céramiques étant dialectiquement liée, le choix d’un contexte induit généralement la présence d’un assemblage céramique qualitativement et quantitativement intéressant et contemporain de l’action interprétée, autrement dit ne présentant que peu de matériel redéposé ou intrusif.

A la suite du prétraitement statistique (Bloc 4-2) les données céramiques ventilées suivant les trois techniques de quantification retenues se déclinent en un nombre minimum de 19 077 individus (NMI), représentant un nombre typologique de 6 731 individus (NTI) et un nombre de 8 534 individus par forme (NIF). Ainsi, le NMI prend en compte les individus en fonction du groupe technique, le NTI de la forme et du groupe technique, le NIF uniquement de la forme.

L’accès libre aux données se fait de deux manières. La première entrée correspond au corpus par site et par ensemble stratigraphique comprenant les données céramiques en nombre minimum d’individus (NMI), Nombre typologique d’individus (NTI), Nombre d'individus par Forme (NIF), mais également en nombre et type de décors. La seconde entrée correspond aux jeux données retenus pour répondre aux propositions logicistes {P0 et P1}. Que ce soit pour les notices de sites ou pour les propositions logicistes, un lien renvoie à chaque jeu de données mobilisé.

3-7 | Bloc 7 – Les études thématiques

L’importance du corpus de données traitées comme la volonté de certains acteurs du projet ont permis d’aborder des thématiques transversales utiles au discours logiciste. Une première étude permet de traiter la question des périodes de transition, la réalité de leur existence, ici à partir de l’exemple de la céramique du Poitou des 11e et 12e s. Une seconde étude réalisée à partir d’un inventaire exhaustif de la céramique chamottée remet en cause des certitudes concernant la chronologie, la fonction et la réalité sociale de l’usage des cloches de cuisson souvent interprétées comme couvre-feu. Ces textes thématiques, à l’instar des notices de sites, ne participent qu’indirectement à la publication logiciste, comme preuves du discours de certaines propositions et plus globalement du récit général.

4 | Notices des sites et des ensembles stratigraphiques

Les preuves du discours passent également par la présentation des sites et des contextes archéologiques ici nommés ensembles stratigraphiques mobilisés pour cette publication (Notices). Ainsi, chaque site et ensemble stratigraphique postérieur à la publication de 2013 (Husi dir. 2013) a fait l’objet d’une notice qui résume la nature du site, l’interprétation des ensembles stratigraphiques et donne accès aux planches typologiques de chaque notice. Afin de présenter de manière exhaustive le corpus des sites étudiés, les notices antérieures à 2013, sont simplement citées en renvoyant aux publications antérieures et aux notices ICERAMM. Ce catalogue assez volumineux est présenté dans un onglet à part, avec le choix pour le lecteur de s’y référer s’il le souhaite, sans pour autant entraver la lecture de la publication dans le cas contraire.

L’ensemble des notices typologiques - antérieures et postérieures à 2013 - sont accessibles dans un format plus réduit, sur le site ICERAMM (Notices ICERAMM). L’accès à ces notices a également l’avantage de permettre de changer d’échelle d’informations en recontextualisant plus largement et de manière dynamique, à l’aune des nouvelles découvertes, un corpus qui reste ici un instantané.

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Synthèse historique de la section 1

Définir les aires économiques et culturelles à partir de la céramique impose d’aborder la question : (i) sous l’angle des traditions de fabrication, relevant des innovations, des effets de mode ou de la concurrence entre produits ; (ii) sous l’angle des flux commerciaux régis par les relations entre espaces au sein du BLM et par celles entretenues avec l’extérieur. En effet, la porosité entre espaces de traditions différentes s’observe à partir des échanges de vaisselle dont la capacité de pénétration innovante ou esthétique reste insuffisante pour devenir concurrentielle et donc remettre en cause la structure même des espaces préalablement définis. On peut alors admettre que la céramique, au même titre que d’autres sources matérielles ou écrites, participe à la construction d’aires culturelles pour lesquels les acteurs développent un sentiment d’appartenance, tout en conservant des relations avec l’extérieur.

Pour une compréhension globale de la démarche, en suivant un raisonnement hypothético-déductif, d’inférence déduite des prémisses (de droite à gauche du diagramme), cette section est structurée autour de cette double entrée : (i) tradition de fabrication (Proposition P4-1 et déduites de niveaux inférieurs jusqu’aux P0-1 à P0-59) ; (ii) flux commerciaux (Proposition P3-2 et déduites de niveaux inférieurs jusqu’aux P0-60 à P0-78). En outre, l’ordre donc la lecture des propositions P0 et induites de niveaux supérieurs est autant que possible chronologique, permettant de suivre la transformation des aires culturelles dans le temps long.

Inversement, la courte synthèse historique ci-après suit une lecture empirico-inductif, d’inférence par généralisation des observations (de gauche à droite du diagramme). S’agissant de présenter le raisonnement et les principaux résultats, nous avons fait ici le choix de ne pas remonter jusqu’aux nombreuses données primaires des propositions P0 directement accessibles par ce menu comme preuves du discours.

Traditions de fabrication de la céramique

Les changements dans les traditions de fabrication de la vaisselle en terre cuite entre le 6e et le 17e s. donnent une première image des aires culturelles qui structurent de BLM. Alors que l’héritage antique est encore prégnant jusqu’au milieu du 7e s. (P1-1), c’est à partir de cette date qu’il devient pertinent de parler d’une vaisselle médiévale avec des techniques et des formes génériques qui perdurent pour certaines jusqu’à la période moderne (P1-2). Les transformations techno-typologiques et stylistiques observées à partir du 7e s. et jusqu’au 10e s. redessinent un espace du BLM auparavant assez homogène (P1-1), en deux aires fondées sur des traditions de fabrication distinctes : (i) l’une du sud-ouest avec la Touraine, le Haut-Poitou et plus marginalement le Berry, dont les productions sont de couleur blanc-beige, pour certaines décorées de peinture en bandes et parfois d’une glaçure plombifère ; (ii) l’autre du nord-est avec le Blésois et l’Orléanais dont les productions sont de couleur ocre-rouge, parfois engobées et lissées, mais sans glaçure. La limite entre ces deux espaces passe par une ligne nord-sud quasi-perpendiculaire à la Loire située entre Tours et Blois (P2-1).

Bien que la vaisselle change à partir du 11e s. (P1-5), cette partition en deux aires, blanc-beige et ocre-rouge (P1-3) perdure jusqu’au 15e s. (P3-1). Elle se distingue également au travers des mécanismes de production des récipients (P1-4) avec probablement de petits ateliers pour l’espace sud-ouest et de manière certaine de grands centres de production comme Saran pour l’espace nord-est. En revanche, avec l’apparition de nouvelles traditions céramiques dans le Berry, le Haut Poitou ou le pays Chartrain surtout à partir du 13e s., on assiste à un recentrage progressivement d’un faciès céramique propre au BLM le long de la vallée de la Loire au détriment des espaces limitrophes (P2-2).

Un nouveau changement important dans la vaisselle intervient à l’aube de la période moderne à la fin du 15e s. (P1-6), phénomène qui s’accentue au 17e s. avec l’apparition du grès puis de la faïence (P1-7) donnant l’image d’un espace culturel plus homogène comparé aux périodes précédentes (P2-3). Bien qu’inscrites au moins depuis le début du haut Moyen Âge dans la mouvance d’une tradition céramique de l’Europe du nord-ouest, les multiples transformations des aires fondées sur la céramique du 6e au 17e s. montrent que le changement le plus marquant intervient entre la fin du 15e s. et le début du 16e s. Cette rupture dans les traditions de fabrication annonce un véritable décloisonnement de l’espace du BLM qui s’observe notamment avec la disparition de la partition sud-ouest et nord-est prégnante depuis le 8e s., conséquence de la concurrence de nouveaux produits issus de grands ateliers extrarégionaux (P4-1).

Commerce, flux et échanges de la céramique

En se référant maintenant aux récipients en terre cuite qui ont circulé et non plus comme précédemment aux traditions de fabrication communes à un ou plusieurs espaces du BLM, il est possible d’appréhender le commerce de la vaisselle et indirectement celui de certaines denrées alimentaires en l’occurrence le beurre et secondairement le sucre à partir des emballages utiles à leur transport et à leur conservation.

Les mécanismes d’approvisionnement, notamment des principaux centres de consommation que sont les villes du BLM, révèlent des aires économiques essentiellement locales, ne dépassant gère 40 km (P0-65) et pour les apports exogènes dépendant fortement de la plus ou moins grande proximité des ateliers. Ne sont importés des ateliers les plus lointains, que les récipients les plus ostentatoires ou originaux de leurs productions pour la vaisselle (P1-9) ou ceux adaptés au transport et à la conservation des denrées alimentaires (P1-8).

On observe une certaine stabilité des aires économiques, les réseaux d’échanges n’attestant que de faibles contacts entre la partie sud-est Touraine/Haut Poitou et nord-est Blésois/Orléanais jusqu’à la fin du 15e s., moment où le cloisonnement micro-régional s’estompe pour laisser place à un espace de la Loire moyenne plus ouvert (P2-5). En effet, le commerce de vaisselle majoritairement centré sur la Loire n’entretient de relations qu’avec les régions limitrophes du BLM jusqu’à la fin du 15e s. (P2-6). A cette date, l’apport des productions issues de grands ateliers extra-régionaux parfois lointains comme ceux du Beauvaisis ou de la Puisaye pour la vaisselle (P0-70), de la Normandie et de la Mayenne pour le beurre, d’un espace Loire plus large pour le sucre (P2-4) modifie profondément les réseaux d’approvisionnement à longue distance, le BLM étant alors résolument ouvert sur l’extérieur (P3-2).

Pour conclure et en se référant aux traditions de fabrication comme aux réseaux commerciaux se dessinent des aires économiques locales autour des villes constitutives de deux aires culturelles plus vastes, sud-ouest et nord-est structurant le BLM entre la fin du 7e et la fin du 15e s. Cette image d’espaces cloisonnés d’amont en aval de la Loire moyenne inscrite dans la longue durée est en contradiction avec l’idée d’un fleuve représentant un axe de communication suffisamment important pour lisser tout particularisme culturel local. Il faut attendre la fin du 15e s. pour que s’estompent progressivement ces spécificités principalement locales, le BLM s’inscrivant alors durablement dans les réseaux d’échanges de l’Europe du nord-ouest (P5-1).

Synthèse historique de la section 2

Le mobilier archéologique étant globalement considéré comme un bon marqueur social, il s’agit ici d’évaluer la place de la céramique, vaisselle et emballage, en regard des autres objets à notre disposition comme indicateur du statut des populations résidents sur les sites mobilisés. Bien sûr, les pièges sont nombreux. Pris dans sa globalité le mobilier ne reflète pas vraiment une population socialement homogène mais souvent la présence parmi d’autres d’une population particulière plus aisée avec la présence de mobilier luxueux souvent ostentatoire.

Nous faisons ici le choix d’un classement fonctionnel des sites, préalable à l’analyse de la céramique et plus globalement du mobilier, en quatre grandes catégories : castral-résidentiel, monastique, civil urbain, civil rural. Un autre choix consiste à réaliser une étude diachronique du 6e au 19e s., sans tenir compte d’un découpage en grandes périodes, l’objectif étant ici d’évaluer globalement l’apport de la céramique comme source d’interprétation sociale. Fonder l’analyse sur un corpus périodisé aurait eu pour conséquence d’introduire une grande disparité, une atomisation, voire une quasi-absence de données pour certains types de sites, choix plus négatif que source d’explication pour identifier des grandes tendances entre sites.

La courte synthèse historique suit une lecture empirico-inductif, d’inférence par généralisation des observations (de gauche à droite du diagramme). L’analyse d’abord de la vaisselle en terre cuite à partir des techniques utilisées (P0-1) des décors ostentatoires (P0-2), de la fonction et de l’éventail des formes de récipients (P0-3 ; P0-6), mais également de la présence de récipients en verre et très secondairement en métal (P0-4 ; P0-5) montrent que la vaisselle de qualité se retrouve essentiellement sur les sites monastiques, puis castraux au détriment des autres sites urbains et ruraux (P1-1). L’étude de la consommation du beurre importé de Normandie dont témoignent les emballages retrouvés dans les sites de consommation du BLM va dans le même sens avec une concentration de ces récipients sur les sites castraux puis monastiques (P0-7). Les objets personnels de parures (P0-8), de divertissement (P0-9) parfois très luxueux, d’outillages (P0-10) attestent un clivage socio-fonctionnel des sites, proches de celui révélé par la vaisselle. Cependant, il existe une certaine nuance puisque la grande diversité des objets comme les plus luxueux d’entre eux sont principalement attestés sur les sites castraux au détriment des sites monastiques (P2-1). Bien que cette analyse aille dans le sens d’une hiérarchie sociale des sites largement pressentie, un apport intéressant de cette contribution est la pertinence de la vaisselle en terre cuite (P1-1) par rapport aux autres objets (P2-1) comme source explicative de la place non négligeable tenue par les sites monastiques dans cette hiérarchie, comparés aux sites castraux. Ce résultat est d’autant plus original qu’il est ici étayé par une analyse fine de données issues d’un large éventail de sites.